La science maltraitée dans les médias ?

 

 

Changement climatique, pandémie, crise énergétique, modèle agricole… les sciences n’ont jamais pris une place aussi importante dans nos vies. Mais le traitement médiatique de la science est-il à la hauteur de l’enjeu ? Cette question était au cœur de l’émission La science CQFD sur France Culture le 5 décembre 2022, avec Sylvestre Huet et Cécile Michaut, en invités.

 

 

Si on en croit une étude qui vient de paraître, la science est plutôt bien traitée dans la presse écrite. Cependant, l’étude porte uniquement sur trois grands journaux francophones : Le Monde en France, Le Soir en Belgique et Le Temps en Suisse. Or, souligne Sylvestre Huet, il s’agit là de trois quotidiens de qualité, qui ne sont pas représentatifs des médias en général. Heureusement que la science y est importante. Mais à la télévision, la radio, ou la presse quotidienne régionale, la situation est très différente.

 

Le covid change la donne

Ce qui compte, c’est la manière dont la rédaction en chef considère la science, observe Cécile Michaut. Trouve-t-elle que c’est un sujet important ? En a-t-elle peur ? Néanmoins, la pandémie de Covid a peut-être changé la donne. Des journaux se sont rendus compte qu’ils ne pouvaient plus continuer sans journaliste spécialisé en science. Or, cela demande de l’expérience, notamment de comprendre comment la science fonctionne. Les résultats scientifiques sont disponibles, via les publications dans les journaux spécialisés. Le rôle des journalistes est de faire le tri.

 

Responsabilité des journalistes

Sur certains sujets qui impactent nos vies, la responsabilité des journalistes est énorme. « Il y a eu un véritable bombardement médiatique sur Raoult et l’hydroxychloroquine, de la part de BFM TV, qui a conduit des gens à ne pas se vacciner. Certains en sont morts, et les journalistes de ces médias ont une part de responsabilité », accuse Sylvestre Huet. Sur les sujets impliqués dans la vie de la société, sur lesquels les citoyens doivent prendre des décisions, il faut être particulièrement précautionneux.

 

Presse spécialisée de qualité

Le paysage médiatique français est très contrasté. La science occupe une faible part des quotidiens nationaux, une part quasi nulle dans les hebdomadaires et les quotidiens nationaux. En revanche, la presse spécialisée présente une offre riche, avec notamment la création d’un nouveau journal, Epsiloon. Mais ils touchent un public déjà conquis.

 

L’info de qualité coûte cher

Améliorer le traitement médiatique de la science est de la responsabilité de la hiérarchie des rédactions, mais aussi des lecteurs : une information de qualité demande du temps et coûte cher, elle ne peut pas être gratuite. Les gouvernants ont aussi leur part de responsabilité, afin de favoriser une presse compatible avec l’ambition de vivre en démocratie.

 

Comment l’information est-elle reçue ?

L’information de qualité existe, rappelle Cécile Michaut, mais cela ne suffit pas pour que les citoyens soient bien informés. En effet, on a tendance à refuser les informations qui nous déplaisent. Admettre l’existence du changement climatique implique de faire des efforts pour réduire nos émissions de CO2, donc il est plus agréable de nier ce changement. Les travaux de sciences sociale étudiant la manière dont les gens reçoivent l’information sont donc indispensables : comment s’informent-ils ? Comment transforment-ils l’information en action ?

 

Rapprocher deux mondes

Les rapports journalistes-scientifiques sont emplis de peur. Côté journalistes (non spécialisés), la crainte de ne pas comprendre. Côté scientifiques, la peur de voir ses propos déformés. D’où la nécessité de rapprocher ces deux mondes qui, paradoxalement, on des modes de fonctionnement pas si différents. Notamment la vérification des informations, cruciale pour les deux.

 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-science-cqfd/sciences-decrocher-la-une-7245600