Jade Le Maître : « Les réseaux sociaux sont un outil de veille et de collaboration en sciences »

Jade Le Maître est ingénieure, passionnée d’innovation et spécialiste des réseaux sociaux. Elle rêve d‘interfaces entre le web et les différents acteurs des sciences – laboratoires, instituts, universités, entreprises. Elle a été « community manager » à l’université Pierre et Marie Curie à Paris puis chez Provaltis, une agence de communication scientifique. Elle collabore à de nombreux projets liés au partage des sciences, comme Scientibox. A suivre sur twitter (@aratta) et sur www.jadelemaitre.fr

 

Science et partage : La science est-elle très présente sur les réseaux sociaux ?

Jade Le Maître : Pas suffisamment. Les scientifiques anglo-saxons se sont bien emparés des réseaux sociaux, mais ça commence juste en France. C’est très variable selon les thématiques : les chercheurs les plus présents sont les biologistes, les informaticiens, ainsi que les spécialistes des sciences humaines. On y trouve également des initiatives liées aux sciences, par exemple « ma thèse en 180 secondes » (hashtag[1] : #MT180 sur twitter). Mais il reste un gros travail de dédiabolisation des réseaux sociaux à faire auprès des chercheurs.

 

S&P : Justement, quel est l’intérêt des chercheurs à être sur les réseaux sociaux ?

JLM : Il est multiple : faire naître des collaborations, améliorer leur veille, et trouver des idées. Twitter, par exemple, est un outil extrêmement utile pour les chercheurs. Celui qui souhaite développer des collaborations suivra des chercheurs de domaines connexes, tandis que celui qui y fait sa veille s’intéressera aux chercheurs phare de son domaine.

Lorsque j’étais doctorante, je participais aux #PhDchat, une discussion entre doctorants chaque vendredi, pour parler de ses recherches et de ses difficultés.  Un autre outil très efficace est Researchgate, un réseau social pour chercheurs. Il ressemble à un mélange de facebook et linkedin : le chercheur se crée un profil, se lie à d’autres scientifiques, présente ses travaux. Les institutions y sont aussi présentes, et mettent en avant leurs chercheurs phare.

 

S&P : les réseaux sociaux sont-ils utiles pour vulgariser ?

JLM : Oui, à condition de ne pas viser le très grand public, mais plutôt les gens déjà intéressés par les sciences, qui viendront suivre des chercheurs. Mais les réseaux sociaux ne sont pas suffisant, ils viennent en support de publications vulgarisées, par exemple des blogs de chercheurs comme ceux présents sur le C@fé des sciences[2].

 

S&P : Comment utiliser au mieux les réseaux sociaux lors d’un événement scientifique, par exemple un colloque ?

JLM : L’outil idéal pour cela est twitter. Il faut d’abord, définir un hashtag[1] spécifique, afin que les chercheurs soient encouragés à tweeter sur cet événement. Puis la promotion se déroule en trois phases. En amont, un « teasing » (une communication en plusieurs étapes, ménageant du suspens) permet de mobiliser les chercheurs, en complément des classiques e-mails de relance. Le jour J, il faut mettre en place un « live tweet », c'est-à-dire encourager tous les participants à tweeter en temps réel. Enfin, il faut continuer à mobiliser la communauté, toujours sur twitter, éventuellement en lien avec facebook (où on mettra par exemple un album photo de l’événement).

 

S&P : Avez-vous des conseils à donner aux chercheurs encore hésitants ?

JLM : N’ayez pas peur de vous lancer ! En consacrant une demi-heure à une heure par jour aux réseaux sociaux, vous deviendrez plus productif : votre boîte mail sera remplie de messages plus utiles, vous connaîtrez de nouvelles personnes, de nouveaux champs de recherche. Investissez aussi les outils spécialisés comme Mendeley qui permet de faire sa bibliographie de manière collaborative. Beaucoup de gens voient les réseaux sociaux comme un endroit où l’on raconte sa vie. Mais ce sont aussi des outils professionnels incomparables. Etre visible sur les réseaux sociaux, c’est être visible tout court.

 

Propos recueillis par Cécile Michaut

 

[1] Le hashtag, appelé aussi mot-dièse, est un marqueur sur twitter, qui permet de retrouver toutes les discussions incluant ce mot précédé d’un signe #.

 

[2] Sur twitter : @cafe_sciences

 

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Justine Ancelin (vendredi, 05 septembre 2014 12:11)

    Bonjour, merci pour ce retour d'expérience.

    Que pensez-vous de l'utilisation des réseaux sociaux par les chercheurs pour l'auto-archivage de leurs écrits ?
    Je constate que vous encouragez les chercheurs à utiliser ResearchGate. Je m'efforce pour ma part d'encourager les chercheurs à plutôt se tourner vers des outils plus institutionnels, ou nationaux. La plateforme HAL (CNRS) intègre ainsi depuis quelques mois des fonctionnalités plus orientées réseaux sociaux, avec la possibilité de se créer un vrai profil par exemple, et de suivre d'autres chercheurs.
    S'orienter vers ce genre de portails permet d'assurer aux chercheurs que les informations qu'ils y déposent, et a fortiori les textes, resteront disponibles pour l'ensemble de la communauté des chercheurs sans risquer de tomber dans des mains privées peu scrupuleuses (le rachat de Mendeley par Elsevier a refroidi pas mal de monde, là encore, je préfère orienter mes chercheurs vers Zotero, qui développe lui aussi des fonctionnalités sociales) ou de connaître des risques d'obsolescence technique (archivage pérenne des textes déposés dans HAL et sur d'autres plateformes d'archives institutionnelles).
    Bon, après, c'est sûr, il reste encore beaucoup de travail du côté des portails institutionnels et nationaux pour arriver à la même envergure que leurs concurrents privés, notamment en termes de confort d'utilisation et de "masse critique" d'utilisateurs. Mais si tout le monde s'y met...

    Bonne journée,
    Justine Ancelin
    Conservateur de bibliothèque à l'université Paris Ouest Nanterre La Défense

  • #2

    Cécile Michaut (vendredi, 05 septembre 2014 12:46)

    Bonjour,

    Je ne connais pas bien ces questions d'archivage. En revanche, l'intérêt principal des réseaux sociaux ne sont pas l'archivage, mais comme le soulignait Jade Le Maître, "faire naître des collaborations, améliorer leur veille, et trouver des idées". Et là, Zotero et Hal me semblent mal adaptés.
    De toute façon,tous ces outils vont évoluer, d'autres vont probablement apparaître. A suivre...

  • #3

    Jade Le Maître (vendredi, 05 septembre 2014 14:34)

    Bonjour Justine, et merci pour votre commentaire !
    J'ai moi même à plusieurs reprise tenté de me mettre à HAL et Zotero - la courbe d'apprentissage est très longue, et par rapport aux "concurrents" privés, les fonctionnalités restent limitées. Mendeley par exemple permet d'annoter les pdf importer, de les partager en clic avec d'autres chercheurs, qui vont pouvoir annoter eux aussi le document...

    Après je comprends aussi la problématique de l'archivage d'une recherche public sur les outils nationaux et institutionnels. Sur ce sujet, Deuxième Labo est bien plus connaisseur que moi - je vous invite à leurs articles : http://www.deuxieme-labo.fr/actualites/